Le dernier ouvrage de Geneviève Dreyfus-Armand, écrivaine spécialiste des relations qui ont uni les Français et les Espagnols depuis la proclamation de la IIème République jusqu’à la mort de Franco, fait état du témoignage de Léonor Pintado, une de nos voisines de Lestelle.

Née en 1933 à Broto, près de Huesca en Aragon, elle faisait partie d’une famille de paysans qui cultivait la terre, élevait vaches et brebis. Léonor y vivait avec ses trois sœurs, des tantes et de jeunes cousins, soit une dizaine de personnes. 

Au moment de la guerre civile, son père et d’autres hommes du village sont pourchassés par les franquistes. Ils se cachent quelques temps dans la montagne, puis décident de passer en France, avec leurs familles.

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Ce dessert d’exception n’a rien d’une omelette, ni grand-chose en commun avec le pays des Vikings.

Sans un physicien américain nommé Benjamin Thomson Rumford, un aventurier qui servit comme agent secret dans l’armée britannique à la fin du 18ème siècle, nous n’aurions peut-être pas le plaisir de déguster ce bijou de dessert faisant souvent concurrence à notre traditionnelle bûche de Noël !

En effet, Rumford se passionnait pour l’art culinaire. Et après s’être penché sur l’invention du percolateur (entre autres ustensiles), il se livra en 1804 à une expérience sur le blanc d’œuf fouetté : il démontra scientifiquement que ce dernier est un mauvais conducteur de chaleur.

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Par Yves DUBERTRAND

Lestelle : une Bastide du XIVè siècleAvant 1335, les habitants de la région s'étaient établis dans des terrains plats; ils se groupaient autour de l'église Saint-Hilaire de Lassun dont nous pouvons toujours voir les ruines sur la route allant de Montaut à Coarraze. Sur la rive gauche, le village de Lestelle n'existait pas, mais déjà de vieux bourgs s'étalaient entre les Gaves: ceux d'Asson, d'Igon et entre Igon et le futur Lestelle, on trouvait le Laber. Tous ces bourgs étaient peuplés par une population de pasteurs sédentaires attachés à des terres serves et qui vivaient de façon autonome, sans contacts directs. Ils s'occupaient uniquement de leurs troupeaux et essayaient de se défendre contre les incursions de leurs voisins. Cet état social dura jusqu'au début du XIVème siècle, date à laquelle les vicomtes de Béarn fondèrent les bastides.

Un tracé caractéristique

Lestelle : une Bastide du XIVè siècleLestelle en Béarn fut fondée en 1335 par Gaston II de Foix, fils de Roger-Bernard de Foix et de Marguerite de Béarn, époux d'Eléonore de Comminges et père de Gaston III dit « Fébus ». Le bourg fut bâti sur le territoire d'Asson et au quartier appelé Artigau. En souvenir de ce fait, Lestelle payait tous les ans une redevance à Asson dont le montant s'élevait à trois livres.

Lestelle est une bastide. Son tracé est nettement marqué; toutes les rues sont tracées au cordeau et se coupent à angle droit. En nous promenant dans notre petite cité, nous pourrons découvrir toutes les caractéristiques de ces villes neuves du Moyen-Age. Deux rues sont orientées du Nord-ouest au Sud-est, s'élargissant en forme de fuseau au centre, où elles encadrent une grande place pour terminer en fuseau un peu plus loin. Ces rues, vous les avez reconnues: ce sont d'une part les rues Gaston de Foix et Henri IV, autrement dit la rue principale et de l'autre côté les rues Peyrounat et Jeanne d'Albret; la grande place est bien sûr notre place Saint-Jean.

Au-delà de l'artère Ouest se trouve une rue parallèle marquant l'emplacement des anciens fossés aujourd'hui disparus: c'est la rue Maréchal Leclerc. Seul le côté Est montre encore l'élément défensif que constituait le haut remblai dominant le cours du Gave. On ne peut hélas relever aucune trace de défense au sens propre du terme. Normalement, le village devait être fortifié, le souverain s'engageant à donner les portes et les habitants se chargeant de faire les terrassements. D'après les dispositions actuelles de la Bastide, il semble qu'il n'en ait rien été.

De nombreux privilèges furent accordés, notamment l'affranchissement, les concessions foncières, les franchises de pacages pour la transhumance, le droit de chasse et de pêche, l'exemption du droit de passage sur le pont en bois de Gatarram, une administration autonome, l'exemption du four banal.

L'administration de la ville

A cette époque, les villes du Moyen-Age avaient à leurs têtes ce que l'on dénommait un corps de ville, composé de Jurats dans le Sud-Ouest. C'était une assemblée restreinte composée de 4 à 7 membres, ce que nous pourrions dénommer un collège, c'est-à-dire un organe de délibérations prises en commun, un organe d'administration proprement dit de la ville. Lestelle, bien entendu, n'échappait pas à cette définition. A la tête de la cité, on trouvait le premier jurat ou maire qui présidait les délibérations et avait une certaine préséance sur les autres membres. Il est intéressant de noter le mode de recrutement des jurats : ils étaient élus au suffrage universel par tous les habitants. Quant au maire, il était choisi sur une liste de trois noms présentée par le corps de ville au vicomte souverain.

Ces jurats, au nombre de quatre pour Lestelle, étaient aidés par le garde-boursier qui avait pour mission de garder les caisses de la commune et par le notaire rural jouant le rôle dévolu aujourd'hui aux secrétaires de mairie; il notait notamment les procès-verbaux des séances. Une seule particularité, les réunions n'avaient pas lieu dans une salle, mais sur la place de l'église avec la présence de tous les habitants; si vote il y avait, celui-ci se faisait à main levée.

Une justice autonome

La plupart des chartes du Moyen-Age donnaient aux villes et aux bastides un droit de justice autonome plus ou moins grand selon le cas. Le code de justice régissant Lestelle était fort curieux; le corps des jurats pouvait se transformer en parquet et tenir lieu de juge de paix d'où interpénétration de l'administration et de la justice, aux mains d'une seule et même autorité, celle des jurats.

Ainsi, ceux-ci tranchaient les différends et rendaient les jugements. A cet effet, il y avait même un pilori sur la place publique où les délinquants étaient exposés après jugement, ainsi qu'une prison.

Lestelle se peupla rapidement, placée sur l'ancien chemin vicomtal dit de Saint-Pé, qui venait d'Ossau, passait par Mifaget, Capbis, vers Asson et Saint-Pé de Geyres. Elle se trouvait sur un lieu de passage fréquenté et au dénombrement de Gaston Fébus en 1385, on comptait 32 foyers dont le nom d'un de ceux-ci est porté encore par une maison du hameau: c'est celui de « Saumater». Dans ce même XIVème siècle pendant que notre village s'ouvrait à la vie, non loin de là naissait une petite chapelle consacrée à la Madone et qui plus tard prendra une grande importance, chapelle que nous connaissons sous le beau vocable de Notre-Dame de Bétharram.

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Par Yves DUBERTRAND

" De petits bergers gardaient leurs troupeaux dans ces parages. Soudain, à leur grande surprise, ils virent une flamme brillante à travers les rochers; ils approchent et au milieu de ces flammes ne brûlant pas, ils découvrent une statue de la vierge. La statue est dès lors transportée dans l'église de la paroisse, mais elle revient d'elle même à l'endroit de la découverte. C'est là que l'on bâtit la chapelle."

Cependant des miracles ne tardent pas à se produire. L'un d’eux a donné naissance à la légende de la jeune fille sauvée des eaux, que nous connaissons tous.

La chapelle primitive était bien modeste, mais les merveilles s'y opérant attiraient de plus en plus de pèlerins, ce qui valut à Bétharram au XVème siècle, le nom de « Terre sainte».

La renommée du Sanctuaire ne cessait de grandir, lorsqu'en 1570, les protestants, maîtres de la région, proscrivent la religion catholique en Béarn.

Durant les guerres de religion

Dès lors, les processions de la Fête-Dieu sont interdites; les croix, les images des saints, tout ce qui touche de près la religion catholique est enlevé. Ces excès donnèrent lieu à l'intervention du pape Pie V et du Roi de France.

Le Béarn vécut les heures les plus sombres de son histoire. Notre village ne fut pas épargné par la tourmente, mais seul il se distingua entre tous par son courage et son intrépidité, car au dire de Marca (Président du Parlement de Navarre, intendant de justice, conseiller ordinaire et conseiller d'état), personne ne se fit protestant, malgré les souffrances qu'ils durent supporter pour conserver leur foi.

La restauration

Après le passage des troupes de Montgomery, le Béarn tout entier demeura sous la domination politique des protestants et ceci pendant près de trente ans. Toute l'administration était aux mains de leurs partisans; les paroisses étaient desservies par 80 pasteurs, assistés d'un conseil d'Anciens.

Seul mit fin à ces persécutions l'Edit de Fontainebleau, promulgué par Henri IV le 15 Avril 1599. Pendant ce temps, l'évêque de Lescar sollicita des lettres patentes de Marie de Médicis, l'autorisant à reconstruire la dévote chapelle. Sa confiance ne fut point trompée, en 1614 il recevait l'autorisation de la reconstruire. C'est cette chapelle que nous voyons presque tous les jours.

Mais les Lestellois ne restèrent pas inactifs, au contraire, ils s'empressèrent aussitôt de la restaurer. Ils relevèrent les murs calcinés, les recouvrirent d'une toiture provisoire et attendirent le jour où il leur serait donné d'y entendre la messe. La première qu'il y eut, fut entendue par une multitude de personnes, puisque le service divin fut suivi d'une prédication donnée sur la grande place du village (place Saint-Jean) devant un auditoire de plus de 5000 catholiques.

D'autre part, les terrains entourant la chapelle appartenaient aux habitants de Lestelle. Pour aider à son relèvement, ceux-ci firent don aux chapelains, de la colline et des taillis au pied de laquelle elle s'élevait. L'acte fut passé chez le Notaire à Montaut, en août 1616, et il imposait aux chapelains l'obligation de la résidence, afin d'y célébrer le service divin.

Des terres nouvelles pour les chapelains

Les chapelains acquirent des territoires plus importants. Le 12 Septembre 1635, ils acquirent aux habitants de Lestelle un moulin. Ce moulin avait été bâti sur le Gave par les Lestellois et il était administré par les jurats qui payaient de ce fait au vicomte souverain une redevance en blé.

Ayant besoin d'argent, ils le vendirent le 28 janvier 1574 au seigneur d'Igon pour 950 écus et un tonneau de vin. Celui-ci le vendit aux chapelains avec le vivier et les terres comprises dans l'enclos pour la somme de 1000 livres tournoi sols. En outre, une clause stipulait que les hommes et les femmes de Lestelle devaient une corvée de deux jours de travail pour l'entretien des digues et du moulin; ils se libérèrent de cela en payant 25 livres à la communauté.

Après 1640, les chapelains acquirent la prairie de Béthèréde et étendirent leur propriété jusqu'au ruisseau Saint Roch.

En 1633, les chapelains recevaient les lettres patentes du Roi Louis XIII. Elles confirmaient le don aux religieux de la chapelle et de ses dépendances, reconnaissaient les statuts et défendaient que l'on construise des débits publics sur l'avenue de la chapelle (actuellement avenue de Bétharram), jusqu'aux premières maisons lestelloises.

Une crue dévastatrice

La vie s'écoulait paisiblement jusqu'au printemps de 1678 où une crue subite du Gave emportait à la fois l'église, le cimetière du village et le pont. Malgré la misère, les Lestellois demandèrent en mai 1679 à rebâtir l'église. Le 31 Mai 1679, une fois l'autorisation accordée, ils vendirent des communaux et prélevèrent 6 F sur chaque maison et 600 F au pied de taille.

Le 13 Août, ils achetèrent à Jean Latisnère un terrain donnant sur la place pour la somme de 1500 livres nécessaires à la construction de l'église et un appentis destiné à servir d'école. Jean de Giraude de Lestelle, proclamé adjudicataire le 18 Juin 1679 s'engagea à faire les maçonneries. Les habitants du village s'engageaient à creuser les fondations, à assurer les charrois, à fournir le bois des charpentes.
La première pierre de l'église fut bénie par Maître Tarride, Docteur en Théologie, chapelain et curé de Lestelle. La bénédiction eut lieu en Mars 1682. Une fois l'essentiel terminé, en 1685, le sieur Donzelot offrit de peindre la voûte du chœur. Le sieur François peignit les murs.

En 1681, Maître Dencausse fondait la cloche de l'église.
En 1685, la sacristie et l'appentis pour l'école furent terminés.
En 1687, les entrepreneurs fleurirent le faîte de l'église et quittèrent le chantier.

Les chapelains durant ces travaux assistèrent les jurats, pourvurent en outre la sacristie d'ornements et l'autel d'un tabernacle. Les jurats pour les remercier, leur donnèrent trois journaux et demi de saligats. Dans une réunion du 17 Septembre 1681, les jurats déclarèrent:

«Il est juste d'entrer dans quelque sentiment de reconnaissance pour eux, afin de les entretenir à faire du bien à la communauté, comme ils ont fait jusqu'à présent ».

Le chapelain-curé et les jurats ayant conclu un accord avaient distribué aux familles contre rétribution le sol de l'église pour en faire leur sépulture. Les sommes perçues en vertu du règlement de 1681 permirent d'achever les constructions.

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Par Yves DUBERTRAND

La crue de 1678 n'amena pas que la destruction de l'église; elle amena aussi celle du pont. Ce fait avait une importance plus grave que l'on ne pourrait le croire, car c'était, sans exagérer, le seul lien vital entre le village et les autres bastides de la rive opposée, ainsi qu'un lieu de passage pour mener les troupeaux dans les landes de Pontacq et de Ger. Ce passage daterait, semble-t-il du XIVème siècle, le premier pont aurait été construit par les habitants de Montaut, vraisemblablement vers 1308.

En Pont de Bétharram au 16e1335, les Lestellois bénéficièrent du même privilège pour des raisons identiques. Dès lors, les frais furent partagés par les deux bastides pour son entretien. En 1631, une convention fut établie qui prévoyait que Lestelle se chargerait de deux poutres de flanc, et Montaut de la poutre du milieu. Ce pont fut détruit en 1646, 1676 et 1678, toujours par les crues.

Il était en bois, assez étroit, et dangereux. Les deux rives n'étant pas au même niveau, cela entraînait un déséquilibre et il fallait certainement faire preuve d'un grand sang-froid pour traverser au-dessus des eaux mugissantes quelques pieds en dessous. Dès le début de sa construction, le pont fut placé sous la protection de la Vierge.

Les habitants décidèrent finalement de faire construire un pont qui serait plus stable, mais aussi plus solide, capable de résister à l'usure du temps et aux caprices de l'eau.

On décida donc d'en construire un en pierre. Pour ce faire, on demanda la permission au parlement de Pau qui donna son accord par un arrêt du 3 Août 1678. Il serait construit un peu en amont du pont existant. Lestelle devait fournir 2000 livres et Montaut 1000 livres pour les travaux.

Des travaux prévus en deux ans

Les 13 et 18 Août, dans leurs délibérations, Lestelle et Montaut acceptaient cet arrêté. On confia le soin de diriger les travaux aux chapelains. L'adjudication fut proclamée les 5, 12, 13 et 15 Février de l'an 1680 dans les villes voisines de Pau, Nay et Pontacq. Des maîtres maçons se présentèrent et furent acceptés.

Le 23 Mars 1681, ils s'engagèrent à construire le pont «en un seul arceau» au commencement de la descente qui vient du dit lieu de Montaut en l'endroit où le Gave est le plus étroit... et ceci dans l'espace de deux ans. Les travaux commencèrent aussitôt émaillés par une série d'accidents. Le premier accident survint lorsque les clefs de voûte allaient être posées; les poutres ployèrent sous le poids des matériaux, et le pont alla s'effondrer dans le Gave. Cet accident sema le désarroi chez les Lestellois et les Montaltois, ainsi que chez les entrepreneurs qui avaient déjà dépensé la somme initialement prévue.

L'entrepreneur Daniel Bairon natif de Lescar, décida de travailler sur un nouveau projet établi par les chapelains. Le travail reprit le 18 Juin. Il s'engageait à reprendre les travaux et notamment à bâtir le cintre, les murailles, les garde-fous et les avenues, conformément à l'accord préalable du 23 Mars 1681 et ceci dans l'espace de deux ans. Les chapelains aidèrent les deux communes et versèrent la somme de 2000 livres. En 1685, le cintre fut posé. Les travaux se poursuivirent sans interruption et cela jusqu'au printemps de 1687.

C'est ce pont que nous avons tous les jours sous les yeux. Au-dessus de la clef de voûte, se trouve une large dalle, placée au milieu sur la façade tournée vers le sanctuaire et Lestelle, portant cette inscription:

« Au nom de Dieu, Sainte Marie priez pour nous».
« Ce pont a esté bati par Daniel Bairon de Lescar, maître ingénieur ».

Au milieu se trouvent trois croix entourant la date de fin de construction du pont «1687», le tout surmonté de deux fleurs de Lys.

Le pont assura très vite le passage entre les deux rives. La construction en était d'autant plus urgente que tout le XVIIème siècle amena à Bétharram une foule de pèlerins. Au dire de Saint Vincent de Paul, la chapelle « était une des plus fréquentée du royaume». Il évaluait le nombre de pèlerins à 15000 par an.

Un différend

Mais la construction du pont n'amena pas que des avantages. La configuration du quartier fut changée, le nouveau pont ayant été construit en amont par rapport à l'ancien. Le chemin longeant le sanctuaire fut surélevé jusqu'à 1mètre 50 du côté de Lestelle. De ce fait, le rez-de-chaussée du Monastère menaçait d'être en contrebas. Pour remédier à cela, les chapelains construisirent un mur de renforcement et délimitèrent ainsi un passage privé et intérieur, ce qui causa évidemment un grand émoi parmi les habitants de Lestelle, habitués à circuler librement dans ces parages. En outre, les boutiques de vente qui se trouvaient devant la chapelle furent englobées dans l'enceinte de la chapellenie.

Dès lors, les jurats de Lestelle, lésés dans leur intérêt exposèrent leurs doléances aux chapelains et leur expédièrent deux de leurs amis: David Ducamp, conseiller du Roy, membre ordinaire et doyen de la Chambre des Comptes de Navarre et leur notaire Maître Lahillone. Un accord n'intervenant pas, les jurats présentèrent le 16 Août 1687 une requête au parlement demandant la démolition des murailles. D'autres différends furent soulevés, notamment lors de la confection du censier terrier de la commune de Lestelle en 1675.

A l'intérieur se trouvaient réunis tous les privilèges des chapelains; ainsi par exemple l'enclos de la chapelle et du calvaire était exempt de toute charge et imposition ordinaire ou extraordinaire et soustrait à la police des jurats de Lestelle. Défense était faite de construire des hôtelleries ou de vendre du vin sur l'avenue menant à la chapelle.

Les chapelains jouissaient du droit de pêche sur le canal et l'enclos du moulin. Chaque Lestellois devait deux corvées annuelles pour la réparation des digues du canal allant au moulin. Au nom de leurs droits et de leurs libertés, les Lestellois demandèrent au parlement l'abolition de tels privilèges. Finalement, un accord intervint entre les deux communautés en mai 1684. En ce qui concerne les boutiques, il fut interdit aux Lestellois de les dresser dans l'enclos de la chapelle. Un espace leur fut réservé. Les jurats cependant pour ne pas trop mécontenter les chapelains firent payer une taxe aux tenanciers des boutiques et appliquèrent le produit de la taxe à l'entretien des lampes du Sanctuaire et de l'église. Les boutiques se déployaient sur deux lignes parallèles en direction du village. La taxe fut fixée selon l'éloignement: de 24 sols tournois pour les deux premières à 15 sols tournois pour les dernières.

Une bonne volonté évidente

Ces conflits furent réglés de part et d'autre avec une évidente bonne volonté. Les jurats n'affirmaient-ils pas d'ailleurs que «c'était l'intérêt commun de mettre fin au plus tôt et de consentir aux sacrifices nécessaires pour rétablir la bonne entente et l'union».

Ceci soumettait les chapelains aux mêmes lois que les Lestellois. Ainsi de Saint-Michel (le 29 septembre) au 25 Mars, les prairies et les champs étaient ouverts dans le village et devenaient un pâturage commun où le bétail errait librement. Le domaine des chapelains se devait de plier aux mêmes lois que les Lestellois, donc leurs terres furent soumises au droit de vaine pâture, excepté le calvaire. Les Lestellois décidèrent de respecter ces limites et les chapelains décidèrent de «supporter les habitants tant que faire se pourra».

Ce XVIIème siècle, nous l'avons vu, fut fertile en événements divers pour les habitants de la Bastide et pour leurs voisins les chapelains. Evénements allant de simples questions économiques à des affaires plus graves telles ces fameuses crues qui endeuillèrent le village mais qui amenèrent aussi plus de compréhension entre villageois. Un nouveau siècle apparaît; pour le monde, ce sera le siècle des lumières pour Lestelle et Bétharram, ce sera le siècle du développement.

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Par Yves DUBERTRAND

Le réseau des chemins du Béarn fut amélioré, et la nouvelle voie, ainsi que le nouveau pont furent d'un bon rapport pour Lestelle et pour Bétharram.

Personnages pittoresques

Parmi les quelques personnages pittoresques de cette époque, citons le sonneur, le régent, le marguillier.

Le sonneur s'occupait des cloches, il sonnait à diverses occasions; il était recommandé de sonner en temps d'orage, il sonnait aussi un peu avant que l'assemblée des jurats ne se réunisse et ceci se faisait, il n'y a pas encore tellement longtemps. Outre ces fonctions, il cumulait celles de sacristain et de fossoyeur. Étant sacristain, il accompagnait le curé lorsque celui-ci administrait les derniers sacrements aux malades. En retour de ces offices, il percevait les taxes des sonneries et passait une fois l'an dans les diverses maisons du village où il recevait quelques cadeaux.
Le régent, lui, contre rétribution de 60 livres par an, dirigeait le chant aux messes solennelles, aux enterrements et anniversaires.

Mais de huit heures du matin à quatre heures du soir, il accomplissait son vrai travail qui consistait à éduquer les enfants et même, aussi invraisemblable que cela puisse paraître à notre époque, il enseignait le catéchisme. Ce nom de régent qui existait autrefois dans les villages pour désigner l'instituteur était employé il n'y a pas tellement longtemps encore dans nos villages béarnais et bigourdans.

Il y avait aussi les marguilliers qui exerçaient une fonction ayant de nos jours complètement disparue. Ils étaient élus dans les assemblées générales de la commune et tenaient la comptabilité de l'église sous la direction du curé et des jurats. Les marguilliers avaient un costume spécial, ils étaient revêtus du chaperon orné de rubans rouges qui étaient l'emblème de leurs fonctions et de leur autorité; par leur présence, ils assuraient l'ordre dans les cérémonies; mais à l'extérieur, ils veillaient à la tenue des paroissiens. La vie a l'époque, on le voit, était moins libre que maintenant; en 1763, une ordonnance obligeait les hôteliers à signaler les étrangers qui passaient chez eux plus d'une nuit; les jurats, eux s'assuraient de leur probité et leurs bonnes mœurs.

Partage des terres

Un accord fut conclu entre les chapelains et les jurats de Lestelle, concernant l'acquisition des terres ou plutôt le partage de celles-ci. Le bâtiment aujourd'hui nommé Aris et qui à cette époque servait aux chapelains comme écurie pour leurs bêtes, était soudé à la grande prairie voisine que l'on nommait alors Béthérède. Le chemin du hameau nommé Gassie-Peyre le séparait du monastère, il était étroit, à peine praticable aux cavaliers. Il longeait le pied de la colline, contournait le bas du calvaire et se dirigeait ensuite vers le sommet, ou, si vous préférez à l'heure actuelle vers la Croix des Hauteurs. Autrement dit, l'ancien chemin, passait entre la maison Aris et le monastère, là où à l'heure actuelle se trouve l'entrée qui amène au bâtiment de l'apostolicat et à une cour intérieure; cet ancien chemin dont on peut voir le tracé derrière ce bâtiment de l'apostolicat, fait partie du domaine de Bétharram.

Les chapelains étant désireux de relier cette dépendance au monastère, demandèrent aux jurats de Lestelle de leur céder ce passage et ceci dans toute la longueur de leur propriété. Bien entendu, en retour, ils apportaient une compensation; ils offraient de refaire à leurs frais un chemin se trouvant un peu plus bas.
Les jurats 'acceptèrent cette proposition. Les chapelains construisirent une nouveau chemin un peu plus loin, sur une longueur de 160 coudées et lui donnèrent 12 coudées de large (ce qui équivalait à peu près à 80 mètres pour la longueur et 6 mètres pour la largeur) ; ceci permettait à deux voitures de se croiser, ils prirent aussi l'entretien à leur charge.

Les Lestellois préféraient, utiliser un petit chemin montant du ruisseau Saint Roch, allant vers le sommet du calvaire (actuellement chemin du calvaire) ; ils ne continuèrent le chemin du Gassie Peyre qu'en 1782, ce qui lui donna le tracé du chemin actuel. Pour cela ils obtinrent de l'Intendant de le construire par corvées « à bœufs et à charrettes» et ceci à l'usage du hameau qui n'en avait aucun de praticable ».

Enfin à frais commun, les jurats et les chapelains élevèrent un mur servant de parapet tout au long du Gave en face de la chapelle et du monastère.

Des prêts

Les chapelains par ailleurs pratiquaient des prêts aux villageois dès le XVIIème siècle. Les premiers qui bénéficièrent de ces prêts furent les jurats de Lestelle; le 4 Novembre 1670 les Lestellois empruntèrent 200 livres pour loger la garde de Monseigneur le Gouverneur. Le 1er Juin 1691 les jurats sollicitèrent un prêt de 300 livres.

En 1664 après une réunion publique tenue «daban la gleyse au toc de la campane », les chapelains versèrent 283 livres dans le but de désintéresser un conseiller du parlement ayant obtenu la prise de corps contre les jurats. Ainsi, ceux-ci grâce au chapelain, évitèrent de séjourner à la conciergerie de Pau. Ces derniers bénéficièrent eux-aussi d'un apport de ressources provenant du moulin de Lestelle ; un rapport établi à l'époque nous permet de dire que le 10 Avril 1780, celui-ci leur rapportait 500 livres en argent, livrait 50 quintaux de froment et 50 de maïs, 50 de millet, plus 5 paires de chapons gras et 2 paires de poulets; le meunier s'engageait à nourrir 2 cochons par an, à moudre le grain des chapelains, et à cueillir la moitié des glands de la chênaie limitant le canal; il veillait en plus sur le vivier et recevait le grain des Lestellois.
Mais, si les rapports économiques et financiers étaient bons entre les deux communautés, fort heureusement il en était de même au point de vue humain.

Les habitants de Lestelle se rendaient chaque année à Bétharram et ceci deux fois l'an, la première fois le matin de l'Ascension, l'autre fois le 15 Août pour la fête de la Vierge. Déjà, en 1750, il en était ainsi, une délibération datant de cette époque, nous le dit: « la communauté  emploie chaque année la somme de 10 livres le jour et fête de l'Ascension pour la rétribution de la messe qu'elle fait dire dans la chapelle et pour les cierges que les jurats y offrent, la communauté y allant en procession générale». Le 15 Août, ils chantaient la messe et les vêpres en la chapelle de Bétharram. Tradition pratiquée il n'y a pas encore si longtemps.

D'autres inondations

Si tout allait bien du point de vue humain, la nature semblait, par contre, décidée à faire souffrir ces mêmes humains par ses caprices.

Depuis 1687 le pont de pierres résistait vaillamment aux attaques du Gave. Mais en cette moitié du XVIIlème siècle, le monastère et la chapelle eurent à souffrir à plusieurs reprises des assauts du Gave. En 1762, le pont de bois de Saint-Pé fut détruit; les digues du moulin de Lestelle furent endommagées, l'eau pénétra dans les caves du monastère. La plus grande inondation du siècle survint en 1772. Il plut à cette époque pendant 58 heures consécutives; à Bétharram, l'eau s'élevait à une hauteur de 2 mètres au rez-de-chaussée, la chapelle fut envahie et la route minée jusqu'aux fondations même du monastère, la grande digue barrant le Gave fut emportée, elle fut reconstruite sur des plans plus importants. Elle avait été construite dix ans auparavant et barrait le Gave dans toute sa largeur. Les travaux s'étaient déroulés de l'hiver 1762 au printemps 1763 sous la direction de Lapuyade, fils de Montaut, qui en dressa les plans.

Il est maintenant nécessaire de parler du Calvaire de Bétharram qui constitue l'un des plus beaux joyaux de la région.

Si vous le voulez bien, nous allons à nouveau traverser les siècles; nous sommes en 1621, un prêtre nommé Hubert CHARPENTIER est appelé par l'Évêque de Lescar pour administrer la chapelle; ce lieu de pèlerinage venait à peine de se relever de ses ruines, car comme nous l'avons vu il avait été détruit en 1569 par les Protestants. Il acheva donc la construction et surtout la restauration et l'agrandissement du sanctuaire. Mais il décida aussi d'édifier sur les flancs de la colline dominant la chapelle les bases d'un calvaire monumental.

Il bâtit alors quatre stations, mais il fut appelé à Paris. Les membres de la société des chapelains fondée par lui reprirent son travail au début du XVIIIème siècle, le nombre de petites chapelles fut alors porté à huit.

Ce calvaire se composait alors de statues en bois; l'une d'elles est parvenue jusqu'à nous, c'est celle du Christ à la colonne (que l'on peut voir dans la Chapelle du pèlerinage, en entrant, immédiatement à droite). Ce calvaire d'une grande beauté fut détruit par les révolutionnaires le 17 mars 1794.

Le pays tout entier en cette seconde moitié du XVIIlème siècle allait être en effervescence. La révolution grondant à Paris n’épargna pas notre région béarnaise et la communauté Lestelloise et Bétharramite.

La révolution

Les réformes votées à Paris (renonciation des privilèges, confiscation des biens de l'Église, constitution civile du clergé) eurent des répercussions sur le plan local.

Le supérieur des chapelains, Touton, fit devant les officiers municipaux de LESTELLE, la déclaration exigée par le décret du 18 Novembre 1789, de tous les biens tant mobiliers qu'immobiliers de la congrégation.

La loi du 27 Novembre 1789 mit tous ces biens sous la sauvegarde des autorités civiles. Donc le Conseil municipal de LESTELLE se chargea de surveiller les biens des chapelains, l'inventaire en fut fait le 25 Octobre 1790. Il fut déposé à la Mairie un état du mobilier du monastère et de la chapelle ainsi que du matériel contenu dans l'écurie et la grange du bord du Gave. Le Conseil municipal termina sa visite par le relevé des documents administratifs du sanctuaire, ainsi que des titres de propriété des biens situés à LESTELLE et autres  endroits.

Les adjudications et les ventes des biens se succédèrent le long de l'année 1791 et suivantes. Les municipalités de LESTELLE et MONTAUT avaient été invitées à les acquérir; celle de LESTELLE ne voulut pas les acheter et résista aux sollicitations du procureur communal.

De 1790 à 1792, on dépouilla BETHARRAM de ses biens. Il est évident hélas, que cela donna lieu à des actes de pillage ici d'ailleurs comme dans toute la France. Les belles futaies du calvaire furent saccagées; le 27 Août 1790, deux hêtres furent abattus, mais Clément CHIGUÉ, capitaine de la garde nationale de LESTELLE, saisit à temps les chars transportant les arbres. Le 12 Janvier 1791, on arrêta une dizaine de voleurs; le 16 janvier 1791, la grange fut détruite; le 29 Mars, 40 châtaigniers et 4 hêtres furent déracinés.

Le 25 Mars 1793, des voleurs entrèrent par le toit de la Pastoure (l'autel de la Pastoure se situe en entrant au fond du bas côté droit du sanctuaire), et malgré les scellés qui protégeaient la porte d'entée, ils pénétrèrent dans la chapelle, s'emparèrent de la lampe du sanctuaire et d'une partie des tuyaux de l'orgue. On trouve d'ailleurs dans les archives de la commune un compte-rendu de séance concernant ce vol.

Afin de mettre un terme à ces pillages, le soir même, Bernard CHIGUÉ, commandant la garde en second, établit dans le monastère un poste de nuit de quatre hommes armés de piques, ceci de 7 heures du soir à 4 heures du matin; afin que le service fut plus sérieux, il était interdit à ces hommes de faire du feu.

On le voit d'après ce compte-rendu, les réactions des conseillers municipaux n'étaient pas hostiles à la religion et de ce fait à Bétharram au contraire. La municipalité regrettait fortement ces pillages; les sentiments de la population étaient identiques. La municipalité ne se prêtait que mollement aux mesures administratives imposées par la convention.

Aussi sous le reproche qu'elle manquait de zèle, elle fut remplacée au début de 1793. Un nouveau conseil fut constitué avec à sa tête le praticien Jacques LESCUN. L'ancienne municipalité n'étant pas trop favorable à la convention, on la remplaça par une autre que l'on saurait être fidèle à la cause. LESCUN accomplit tous les devoirs de sa charge de 1793 à 1800, il fut aussi destitué après par le Préfet.

Le 29 janvier, s'étant aperçu que l'arbre de la liberté était tombé, LESCUN le fit remplacer; ce travail dura de 5 à 7 heures en présence de plus de cent personnes. Au mois d'août, il associa l'arbre de la fraternité, mais hélas, comble de malchance, les deux se desséchèrent, il en fit replanter deux autres au mois de mars 1794.

C'est à leurs pieds qu'eurent lieu les fêtes décadaires obligatoires depuis le 30 novembre 1793 « pour tous les citoyens et citoyennes du lieu ».

D'autres mesures plus déplaisantes furent décidées sur l'ordre de MONESTIER, qui était le représentant du peuple, le 20 mars 1794, il fit fermer l'église du village, la transforma d'abord en lieu de réunion publique, puis en temple de la raison. Elle servit ensuite d'atelier pour la fabrication du salpêtre.

Cependant, les habitants de LESTELLE se montrèrent réticents aux théories de l'époque.

En 1792, devant l'affluence des catholiques venus faire leurs pâques à BETHARRAM et parmi eux presque tous les Lestellois, un ordre fut donné de PAU de fermer la chapelle et d'en murer les portes.
L'officier municipal, Jean CANTONET obtint cependant un délai. On le voit, la municipalité n'était pas entièrement dévouée aux ordres des mouvements révolutionnaires. Le village était divisé cependant, mais il n'y eut aucun heurt entre les habitants.

Le temps passa jusqu'au 15 août, c'est alors que pour la seconde fois, il fut ordonné aux officiers municipaux de LESTELLE de fermer et murer les portes de la chapelle. Cette fois-ci la municipalité refusa d'exécuter les ordres.

Ce fut un envoyé de PAU, à la tête de 24 gendarmes qui occupèrent BETHARRAM et empêchèrent les gens d'y entrer. Des prêtres se réfugièrent alors chez des amis à LESTELLE, dans diverses maisons, dont les descendants portent encore le nom. Certains se réfugièrent chez Jean GAYE, au quartier de Chèze, ainsi que chez ARGACHA et chez CHIGUE, ceci donna lieu à des violences et à de nombreuses perquisitions chez ces gens-là. Le village ne resta pas impassible, comme en 1569, où il n'avait pas hésité à défier les troupes de Jeanne d'Albret et les protestants qui étaient alors maîtres du pays, en restant catholiques.

LESTELLE n'hésita pas pendant la révolution à montrer au grand jour ses opinions et à aider les gens souffrant des heurts de cette époque.

Une conduite anti-révolutionnaire

La municipalité fut jugée très sévèrement à PAU, on reprocha au maire d'avoir exercé ses fonctions avec tiédeur, d'avoir toléré les prêtres déportés et le 18 décembre 1797, ce dernier était destitué de ses fonctions.

D'autre part, le maire LESCUN avait des ennuis avec son adjoint MONSARRAT au sujet d'une somme de 168 F que le premier réclamait au second, déclarant que cette somme lui était due (la municipalité avait été chargée de gérer les biens et de tenir la comptabilité des revenus des chapelains). LESCUN aggrava le conflit en refusant de rendre les clefs de BETHARRAM à son adjoint devenu alors maire. Il fallut l'intervention du Préfet pour mettre fin à la querelle.

Une lettre adressée par le maire et les conseillers municipaux à l'époque nous montre une fois de plus que loin d'être indifférente, la municipalité regrettait bien au contraire les faits qui se déroulaient. Les Lestellois n'hésitèrent pas, afin que l'église de BETHARRAM ne soit pas fermée, à s'adresser au ministre des finances de l'époque, David RAMEL, pour lui demander d'intervenir, et d'empêcher la fermeture de l'église et la confiscation des biens, ceci en vain. Les Lestellois, par la voix de leurs élus, adressèrent une supplique, au général SERVIEZ alors Préfet du département. En voici le contenu :

« Les habitants de LESTELLE, indissolublement attachés à la religion de leurs pères, ne considèrent jamais ce monument respectable sans éprouver une vive douleur. Le jour où il sera rendu entièrement aux pratiques de piété, le jour où ils pourront s'y rendre en foule pour s'édifier et y conduire leurs enfants pour y apprendre les principes de la morale chrétienne, aura pour eux les mêmes charmes que peut avoir le pays natal pour un infortuné qui le revoit après un long exil. »

La supplique était signée de la majorité des notables de LESTELLE, notamment : LESCUN, avec CANTONET, CAPBLANC, PEYRAS, TACHOUE, MONREPOS, SAUBATTE, GAYE, ARGACHA, ARTIGAU, BEDOURET, BASSE, ARRIUCOUR, ANNETTE, ROULLAN.

La tâche des magistrats de l'époque fut, nous le voyons ici, fort pénible, et si vous permettez, nous pourrions dire qu'ils furent pris entre deux feux : d'une part, le devoir que leur imposait leur charge et d'autre part, la douleur de voir détruire un monument pour lequel ils avaient tous plus ou moins des liens d'attachement personnels.

Cependant, le règne de la terreur fut terminé à la mort de ROBESPIERRE, survenue le 28 juillet 1794. Les représentants du peuple furent rappelés, d'autres comme MONESTIER furent arrêtés. Un régime plus libéral s'instaura, la France allait essayer de panser ses plaies ; un siècle nouveau allait le lui permettre.

Par Yves DUBERTRAND

Après la période de troubles provoquée par la révolution, la vie des hommes reprit son cours, avec ses joies et ses peines. Lestelle retrouva un calme auquel il aspirait depuis longtemps, calme qu'il avait eu du mal à quitter, tant les Lestellois possèdent en eux-mêmes le don de la tolérance et le respect des idées d'autrui. Les édiles locaux, on l'a vu précédemment, peu réceptifs aux idées nouvelles prônées par la révolution et l'empire, virent avec joie l'apparition de nouveaux pouvoirs plus préoccupés du bien de leur peuple que d'une vaine gloire.

Ainsi le clergé, interdit par la révolution, retrouva la cure des paroisses. Le premier curé qui occupa la charge de Lestelle fut Ménudé qui, le 25 juillet 1802, signait sur les registres de la Commune l'acte d'adhésion au Concordat (acte que l'on peut voir aux archives conservées à la Mairie). Son installation n'alla pas sans mal, l'orage grondait et, dès le début, il entra en conflit avec les autorités locales. Le 2 décembre 1802, chantant la messe en la chapelle Notre Dame de Bétharram, il refusa, devant l'adjoint ceint de l'écharpe, de réciter les prières ordonnées pour le salut de l'Etat et des consuls.

Loin de s'améliorer, le conflit s'aggrava au sujet de l'administration matérielle de la chapelle. Cette administration redevint ce qu'elle était à la révolution, c'est-à-dire que le maniement des fonds était confié au curé, mais aussi au maire, assisté bien entendu des marguilliers dont nous avons vu le rôle précédemment. Le désaccord régnant entre les principaux gestionnaires sur des points très importants, l'entente ne paraissait pas être proche.

Le curé Ménudé reprochait au maire de retenir l'argent des quêtes; aux marguilliers, il reprochait d'être impolis, quant au Conseil Municipal, il n'aménageait pas le presbytère assez rapidement comme il l'avait promis. Le maire lui, accusait le curé de manquer de respect aux autorités locales, on le voit, cela pouvait durer longtemps.

Afin de remédier à cela le plus rapidement possible, le maire fit appel aux autorités temporelles ecclésiastiques. L'évêque prit la chose à coeur et écrivit des lettres assez sévères au curé et demanda à la municipalité d'activer toutefois les travaux du presbytère.

Entre-temps, le sanctuaire de Notre Dame réouvrit. Ceci amena une nouvelle animation dans notre petite cité.

Voici comment un voyageur de l'époque décrit la cité : « De l'impériale de la diligence, le 5 août, je vis le fameux monastère de Bétharram où chaque 15 août, la foule de pèlerins des Pyrénées et du Béarn vient s'agenouiller aux pieds de la Vierge Marie. Cet hospice est desservi par 14 missionnaires qui partagent leur temps entre l'éducation des enfants des environs et la célébration des messes en l'honneur de la Vierge. Bétharram est un petit village où les diligences stationnent une heure et les voyageurs ne manquent pas de faire provision de chapelets, de médailles et d'autres objets religieux à titre de souvenir de leur passage. L'Eglise et le monastère sont bâtis sur la route de Pau, au bord du Gave, dans un massif de verdure ».

Mais le XIXème siècle fut surtout celui de la restauration d'un pur joyau de notre région : le calvaire.

Nous avons vu précédemment qu'en 1621, un prêtre nommé Hubert Charpentier fut envoyé à Bétharram pour administrer la chapelle; il en profita pour l'agrandir mais jeta aussi sur les flancs de la colline dominant la chapelle, les bases d'un calvaire monumental. Nommé à Paris pour bâtir sur le Mont Valérien un calvaire semblable, il ne construisit ici que quatre stations. Son oeuvre fut reprise par les membres de la société des chapelains fondée par lui. Dans le courant du XVIIIème siècle, le nombre des chapelles fut porté à huit. Ce premier calvaire se composait de statues en bois, dont l'une d'elles nous est restée; il s'agit du Christ à la colline (qui se trouve aussitôt à droite lorsque nous entrons au sanctuaire), les autres furent brisées le 17 mars 1794.

Après la signature du concordat, l’oeuvre fut relevée par un capucin s'occupant de pèlerinages: le père Joseph Sempé. Les scènes n'étaient plus en bois mais représentées au moyen de toiles et de statues. Les premières souffrirent beaucoup de l'humidité, quant aux statues le plus souvent en plâtre ou en terre cuite, elles inspiraient, paraît-il, plus de terreur que d'animation. C'est alors qu'arriva, envoyé par Monseigneur de Salinis, l’Archevêque d'Auch, Alexandre Renoir. Ce dernier vint se mettre alors au service du père Garicoïts et arriva au printemps de 1841. De suite, il se mêle à la vie de la communauté, mais celle-ci 1ui paraissant un peu bruyante, il émigre vers Montaut où il est hébergé par 1a famille Julien. Dès le mois de juillet 1841, il réalise le premier moulage de la scène représentant Jésus au jardin des Oliviers. Au printemps de 1842 apparaît la trahison de Judas. Les travaux se poursuivent rapidement et une foule d'amis de Bétharram viennent proposer leur aide. Toutefois, le Père Garicoïts comprenant que les moyens vont manquer, décide d'arrêter les travaux, ce qui fut fait. Restait à faire l'exécution des bas reliefs de la descente de la croix, de l’ensevelissement et de la résurrection. Les stations restantes furent achevées un peu plus tard.

La bénédiction solennelle eut lieu le 14 septembre 1873.

Par Yves DUBERTRAND

Les habitants, en ce XIXème siècle, outre leurs travaux respectifs consacrés à l'agriculture et à quelques travaux artisanaux, essayaient de loger tant bien que mal la multitude des pèlerins et aussi de touristes qui commençaient à venir dans la région. C'est en ce XIXème siècle que furent découvertes les célèbres grottes de Bétharram. En voici rapidement l'histoire.

Pendant l'été 1819, un bruit se propagea dans la Plaine de Nay et  dans la vallée de Lourdes. Quelques bergers près de Bétharram avaient rencontré une grotte naturelle très large et très profonde. Déjà les premiers visiteurs en revenaient enthousiasmés. Le fait parvint à Pau et provoqua la curiosité des milieux intellectuels de la ville. La première et véritable exploration eut lieu en 1850. Un peu plus tard, le meunier de Lestelle, M. Lasbats conclut un arrangement avec la mairie d'Asson, propriétaire du lieu. Il loue le terrain pour 1200 F à l'année, en même temps, il fait le guide. Les premiers visiteurs furent des personnes riches, car, parait-il, la visite coûtait assez cher. Le sol ou plutôt le sous-sol fut foulé par des pieds anglais, ces derniers résidants fort nombreux à Pau et dans la région. Cependant en 1888, trois nouveaux explorateurs descendent dans le gouffre et découvrent d'autres salles. Mais ce n'est qu'en 1900, avec M. Ross, qu'elles seront explorées plus avant. Ceci, avec la présence du sanctuaire, allait permettre à Bétharram et par le fait même, à Lestelle, de devenir le pôle d'attraction où de nombreuses nations se rencontreraient.

On le voit, ce XIXème siècle fut, pour Lestelle et pour Bétharram, capital ; on enregistrera dès lors un progrès dans tous les domaines, notamment l'industrie. De petites entreprises apparurent dont certaines existent toujours et qui sont basées sur l'originalité de la région dans laquelle nous vivons. Lestelle s'ouvrait au monde moderne, le monde moderne s'industrialisait, Lestelle, à son échelle, s'industrialisait aussi. Et c'est dans cette ambiance de progrès qu'arriva le siècle dans lequel nous vivons.

Par Yves DUBERTRAND

Le temps n'a pas effacé la trace du passé. Le village a su garder tout son patrimoine architectural. Le XXème siècle a amené à tous les monuments jouxtant Bétharram la notoriété, puisqu'ils sont tous, avec bien entendu le calvaire, classés par les Beaux-Arts. Juste récompense des travaux accomplis par les anciens qui ont ainsi laissé des traces de leur passage à travers le temps.

La diversité des monuments et la richesse de la région permettent à l'amateur d'art et d'archéologie de se donner à sa passion favorite tout en passant d'agréables moments de repos dans les hôtelleries lestelloises, toutes de premier choix. Le promeneur lui peut errer parmi les coteaux, il peut parcourir le Val de Chèze, la plaine de Nay, se promener le long des plaines sablonneuses du Gave.

Tout fait de notre cité de Lestelle-Bétharram qui n'a pris le nom de Lestelle-Bétharram qu'en 1934, lorsqu'il lui fut conféré par le Conseil d'Etat (je crois qu’il était juste que ces deux noms ne fussent pas séparés, on l'a vu au cours de l'histoire, ils ont été plus qu'intimement mêlés), un séjour recherché depuis des années par les touristes ; un site admirable qui mérite que nous lui rendions hommage; un village ayant su garder son identité, son authenticité à travers les époques à tel point que, soyons en sûr, son fondateur Gaston II ne le renierait pas, bien au contraire.

L'un des historiens de Bétharram, le Père Henri CONDOU, d'Arbéost, s'est beaucoup intéressé à l'histoire locale. En 1945, il écrivait un article sur l'origine du village de LESTELLE. Nous en extrayons les dernières lignes qui traitent du nom de Lestelle.

Reste à déterminer, s'il est possible, l'origine du mot lui-même: LESTELLE. Une bastide étant fondée, il convenait de lui donner un nom. Lequel choisir? Trois méthodes semblent avoir prévalu.

On se contentait parfois de transformer son nom commun, en nom propre. La nouvelle localité était simplement baptisée: La Bastide.

Dans les Basses Pyrénées nous connaissons quatre Labastide : Labastide-Cézéracq, Labastide-Clairence, Labastide-Montréjeau et Labastide- Villefranche. Nous trouvons encore 6 Labastide en Ariège, 5 dans le Tarn, 4 dans le Lot et la Haute-Garonne, 3 dans l'Aude et l'Aveyron, 2 dans les Landes, le Tarn et Garonne et le Var, 1 dans le Gers, les Hautes Pyrénées, le Lot-et-Garonne, les Pyrénées Orientales, le Vaucluse et le Gard. Ajoutons Labastidette dans la Haute-Garonne, Le Bastit dans le Lot, la Bastidonne dans le Vaucluse.

La mode voulut aussi à une époque que l'on donnât aux nouvelles cités, le nom de quelque ville célèbre d'Europe. Dans le Gers et les Landes, nous trouvons des noms de villes italiennes: Fleurance, Plaisance, Pise, Pavie, Geaune (Gênes), Miélan (Milan), des noms de villes espagnoles: Valence, Grenade, Barcelonne ; un nom de ville allemande: Cologne; et dans les Hautes Pyrénées un nom de ville belge: Tournay. Dans le Béarn, on céda à la même tentation en empruntant à la Belgique les noms de Gan et de Bruges (1).

Une méthode plus rationnelle consistait à donner à la nouvelle cité le nom du quartier ou de l'endroit où elle était bâtie. Le mot de Lestelle, au premier abord, viendrait d'étoile.
Solution facile… mais les solutions les plus faciles ne sont pas toujours les plus justes. Il n'existe en France que deux Lestelle : Le premier en Béarn, le second dans la Haute-Garonne, les deux situés aux bords d'un fleuve. Dans la vallée de l'Adour, entre Tarbes et Bagnères se trouve un endroit nommé l'estélou en raison d'une vieille borne en pierre qui jalonnait la route. On garde par ailleurs le souvenir d'une ferme placée près d'un cours d'eau appelée Lestelle à cause d'une "stèle" ou borne indiquant qu'en cet endroit le fleuve était guéable (2).

Une semblable borne existait-elle dans nos parages avant la fondation de la bastide, et le lieu était-il déjà appelé Lestelle? L'hypothèse est séduisante. A défaut d'argument historique ou archéologique qui l'écarterait, elle peut, à la rigueur, satisfaire nos exigences.

H. CONDOU, S.C.I
L'écho de Bétharram 1945 n° 144

(1) Voir la discussion pour la bastide de Bruges (Abbé Laborde : « La fondation de la bastide de Bruges en Béarn »).
(2) Opinion émise par Mgr Lasserre, vicaire général de Bayonne, et historien distingué. L'orthographe primitive: LESTELE (avec un seul "L" ne viendrait-elle pas appuyer cette hypothèse?

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