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Le dernier ouvrage de Geneviève Dreyfus-Armand, écrivaine spécialiste des relations qui ont uni les Français et les Espagnols depuis la proclamation de la IIème République jusqu’à la mort de Franco, fait état du témoignage de Léonor Pintado, une de nos voisines de Lestelle.

Née en 1933 à Broto, près de Huesca en Aragon, elle faisait partie d’une famille de paysans qui cultivait la terre, élevait vaches et brebis. Léonor y vivait avec ses trois sœurs, des tantes et de jeunes cousins, soit une dizaine de personnes. 

Au moment de la guerre civile, son père et d’autres hommes du village sont pourchassés par les franquistes. Ils se cachent quelques temps dans la montagne, puis décident de passer en France, avec leurs familles.

Léonor se souvient d’avoir traversé la montagne par des chemins de contrebandiers, d’être passée par  des ravins, d’avoir vu dégringoler de grosses pierres, d’un monsieur en uniforme qui lui avait donné à boire Elle se souvient surtout du froid intense et de cette peur permanente qui l’enveloppait.  Dans cette fuite désespérée, elle se souvient de ses parents qui, pour avancer plus vite, se débarrassaient de presque tout ce qu’ils avaient pu emporter, le peu de nourriture qu’ils leur restaient, le peu de vaisselle, d’argenterie, de vêtements. Elle se souvient d’une halte dans une sorte de poulailler, en compagnie d’autres hommes et d’autres femmes. Lorsqu’ils parvinrent à la frontière, enfin, ils furent rejoints par son père et ses compagnons. Tout le groupe accepta sans broncher de se faire vacciner, condition pour rester en France ! Les personnes qui faisaient les vaccins lui donnèrent boissons chaudes et couvertures… Ce n’est qu’alors que la peur disparut peu à peu en elle.

Elle se souvient de son arrivée à la grotte de Lourdes avec tout le groupe qui portait sur lui les stigmates de sa longue errance. Ils étaient comme des misérables et dans un sursaut de courage, ils ont tous chanté l’Ave Maria, pour remercier la Vierge de leur avoir permis d’être parvenus jusque-là sains et saufs.

Ensuite, du fond de sa mémoire, Léonor se souvient de son passage au camp de Gurs : parqués tous ensemble, dans une baraque, hommes, femmes et enfants… elle-même souvent accroupie ou en chien de fusil, la boue, l’humidité, le bruit de la pluie sur le toit des baraquements, les cris…  Elle n’avait que six ans ! 

De sa ferme, il ne reste plus rien aujourd’hui, un ensemble de résidence pour vacances y a été construit. 

Il ne reste que des souvenirs  et des émotions intactes. 

A 85 ans, Léonor est maintenant une belle vieille dame qui nous l’espérons, a trouvé auprès de son compagnon et chez nous, un peu de paix et de sérénité. 

Merci à elle pour ce témoignage qui nous dit qu’il ne faut pas oublier !...