En effet, vu le décret du vingt trois Prairial An douze et l'ordonnance du 6 décembre 1843, le vieux cimetière, d'une surface de cinq ares 12 m2, situé au Soum det Castet [Voir Document 1] ne pouvait être agrandi mais seulement provisoirement maintenu sur son emplacement actuel : c'est ce que l'on peut lire dans la lettre préfectorale du 29 avril 1856.
Les édiles de la Commune se mirent donc à la recherche d'un lieu plus adéquat, à savoir, de plus grande superficie et plus éloigné des habitations.
C'est ainsi que sur le registre des délibérations du Conseil municipal, séance du 26 août 1889, nous pouvons lire «.... les conseillers Esdourrubail, Berdoulat et Latanne rendant compte en Conseil de la mission que celui-ci leur avait confiée de rechercher quel serait le terrain le plus convenable à la création d'un nouveau cimetière ont unanimement déclaré que ce terrain serait à prendre sur une pièce au quartier Bordenave appartenant au Sieur Pierre Baradat.... » [Voir document2]. Après les considérations sur la superficie, la distance par rapport aux habitations, la nature du sol du dit terrain, le Conseil à « l'unanimité prie Monsieur le Maire de s'entendre avec le propriétaire pour une cession amiable du dit terrain faute de ce - l'autorise ou le charge de faire les diligences voulues pour parvenir à l'expropriation d'icelui pour cause d'utilité publique. »
Les choses en restèrent là jusqu'en 1892 où, le 6 novembre de la même année lors de la séance du Conseil municipal, le Maire donna lecture à l'assemblée d'une missive adressée au Conseil par dix sept « souscripteurs », « tous enfants de «Lestelle ».
Dans cette lettre, on peut relever les éléments suivants : « préoccupés par le triste état du cimetière et l'espèce d'abandon où se trouvent les tombes des défunts par suite de l'exiguïté du terrain pour une population de mille cinq cents habitants et l'impossibilité qu'il y a de l'agrandir, aussi, vu le manque de ressources de la commune, viennent offrir la somme de 2 970 F, recueillie à ce jour, pour l'achat du terrain et les premiers frais. Cette somme, ils sont heureux de la mettre à votre disposition aux clauses et conditions suivantes :
1° Que le plan dressé par leur soin et destiné à être exécuté dans le champ Baradat soit fidèlement respecté.
2° Que les concessions, réservées par nous dans ce plan, nous soient loyalement garanties à perpétuité.
3° Que le Conseil municipal veuille bien faire sienne l'oeuvre de cette souscription et la pousse activement de façon à créer le nouveau cimetière en dehors de tout emprunt communal et dans le plus bref délai possible.
....Nous vous supplions, Messieurs, de prendre en mains l'oeuvre si nécessaire .de notre champ de repos. L'hygiène autant que la piété filiale la recommandent depuis longtemps à vos soins.
Veuillez .....
Fait à Lestelle le 2 novembre 1892
Le Conseil à l'unanimité des membres sauf deux s'empresse d'accepter la dite offre et charge Monsieur le Maire de s'entendre avec les héritiers Baradat.
Le 10 août 1895, le procès verbal de délibération du Conseil municipal confirme le choix du terrain Baradat.
Et c'est alors que les tribulations commencèrent
Le 22 décembre 1895, en session extraordinaire, le Maire saisit le Conseil du procès verbal d'enquête de commodo et incommodo, relative au choix de l'emplacement du cimetière à créer et résume les motifs d'opposition relevés :
« .... 1° distance insuffisante de l'emplacement choisi d'avec les habitations les plus rapprochées de l'agglomération et d'avec les puits qui desservent ces habitations.
2° mauvaise orientation du terrain choisi par rapport à l'agglomération du Bourg.
3° impossibilité d'acquérir irrévocablement le terrain dont il s'agit parce qu'il dépend d'une succession indivise à laquelle sont appelés des incapables.... »
Le Conseil délibérant conformément à la loi sur les différents points d'opposition qu'il réfute un à un (distance, danger d'infection des puits, orientation, indivision), à l'unanimité, confirme son premier vote du 26 août 1889.
Mais, dans le compte rendu de la séance du 2 février 1896 est fait mention d'une lettre préfectorale datée du 3 janvier précisant à Monsieur le Maire : «.... que la mauvaise orientation, la distance à peine légale de nombreuses habitations particulières, l'existence d'un mineur dans la succession Baradat sont des éléments propres à réfuter le choix du terrain proposé... ».
Sans doute avait-on déjà prospecté ailleurs car, durant cette même séance, le champ appartenant à Cyprien Labes et s'étendant le long du champ Baradat [Voir le document 2] fut proposé et soumis à l'approbation de Monsieur le Préfet. Monsieur l'Archipêtre de Ste Croix d'Oloron, Alban Monsarrat s'engageait même à vendre à la Commune pour la somme de 59,50 F l'are, une partie de la parcelle contiguë à celle de C. Labes.
Tout semble donc s'arranger !
Or, le 12 mars 1896 une lettre de « protestation » est adressée au Préfet ; elle est signée de dix sept habitants de Lestelle qui contestent le nouveau choix du Conseil municipal pour les motifs suivants :
«.... Le terrain étant situé à l'Ouest et le vent qui règne le plus souvent dans la région est le vent de l'Ouest, il s'ensuivrait que le village de Lestelle presque entier serait placé dans les émanations les plus pernicieuses et d'autant plus exposé, le cas échéant, aux périls des épidémies... De plus, les eaux d'infiltration provenant du cimetière seraient susceptibles d'infecter le Cacaret dont l'eau est utilisée soit par l'homme soit pour l'abreuvage du bétail, D'où les inconvénients graves pour la salubrité publique.... »
Réuni en séance extraordinaire le 26 mars 1896, le Conseil municipal maintient la délibération prise précédemment.
Et, le temps passe... Et trois ans plus tard, le 18 septembre 1899, les membres rapporteurs du Conseil d'hygiène récusent le choix des terrains C. Labes et A. Monsarrat.
A nouveau tout est à refaire !
Lors de la séance du 5 août 1900, le Conseil municipal entérine la proposition de la commission chargée de « découvrir » l'endroit idoine : il s'agit cette fois-ci du champ de Julien Aris qui réunit, semble-t-il, toutes les caractéristiques exigées.[Voir le document 2]
Et, les événements s'accélèrent ; - le 10 février 1901, le Maire communique au Conseil, qu'après enquête du Conseil d'hygiène, le feu vert est donné pour la translation du cimetière sur le champ Aris ; puis une lettre préfectorale du 12 avril 1901 vient autoriser la dite translation sous réserve d'une plantation d'arbres verts sur le front Sud-Est du terrain, seront ensuite votés les tarifs des concessions.
Mais la querelle resurgit à nouveau puisque, lors de la séance du Conseil du 19 mai 1901, sont rejetées deux pétitions concernant et l'orientation et la distance non réglementaire entre ledit champ Aris et le puits Lahaille.
Enfin, le 1er septembre 1901 est signé à Lestelle devant Me Monguilan l'acte de vente du terrain du sieur Aris [Voir le document 3]. Par arrêté du 10 août 1902, le Maire de la commune de Lestelle
« .... Arrête : Article 1 : A partir d'aujourd'hui 10 août 1902 le nouveau cimetière construit
sur le champ Aris recevra les inhumations et l'ancien sera fermé sans que l'on puisse en faire usage pendant cinq ans »
Ainsi, après moultes discussions, pétitions, réunions, un champ du repos était enfin trouvé
Il fallait également obtenir les subsides permettant de réaliser non seulement le financement de l'achat du terrain mais encore celui des divers travaux à exécuter (clôtures, allées, voie d'accès, portail.... etc...).
Pour l'achat du terrain Baradat, une liste de dix sept souscripteurs avait proposé à la commune en novembre 1892, la somme de 2 970 F. Puis en mars 1893, toujours pour le même terrain, une deuxième liste de vingt souscripteurs.... «....s'étant cotisés volontairement pour aider la commune à l'acquisition d'un nouveau terrain pour le cimetière déclarent d'engager à verser en mains de qui de droit la somme de 2 550 F sous réserve de concessions à perpétuité... ».
Mais nous l'avons vu précédemment, l'affaire ne fut pas conclue !
Les souscripteurs ne se découragèrent pas pour autant, puisque le 8 décembre 1898, les vingt précédents auxquels s'étaient adjoints six nouveaux offraient une obole s'élevant à 3 150 F pour l'acquisition des nouveaux terrains choisis à savoir ceux de C. Labes et A. Monsarrat.
Mais une fois encore la démarche n'aboutit pas
Enfin le 13 mai 1901, une quatrième liste de dix huit souscripteurs proposa la somme de trois mille trente francs qui « devrait être versée entre les mains du receveur principal dès que la translation du cimetière dans le terrain Aris serait autorisée... » Cela fut réalisé le 27 novembre 1901 et permit de couvrir le prix d'achat du terrain et les frais d'acte de vente.
Il fallait aussi clôturer le futur cimetière et délimiter la voie d'accès.
Le premier devis estimatif en date du mois d'avril 1901 comportait les travaux suivants : fondations (cimetière et voie d'accès), murs (cimetière et voie d'accès), portail marquise et croix. Mais le 7 juillet de la même année, Monsieur le Préfet émettait des réserves concernant l'épaisseur des murs, allant même jusqu'à faire remarquer qu'en la diminuant il était possible de réaliser une économie de 360 F ! De plus, il souhaitait des renseignements plus précis sur les prix et disposition de la marquise et de la croix.
Le Conseil se réunit à nouveau les 4 et 11 août 1901. Lors de la séance du 11 août le Maire expose à l'Assemblée « qu'il a été obligé de faire refaire le devis primitif et pour ne pas dépasser la somme fixée (7 165 F) il s'est vu dans l'obligation de supprimer la croix et la marquise. Quant à la croix, Monsieur le Curé s'est chargé d :y pourvoir à ses frais et pour la marquise il y a lieu d y surseoir momentanément ». Un nouveau devis est présenté [Voir document 4]. Puis vint l'autorisation préfectorale.
Par voie d'affiche et insertion dans l'Indépendant des Basses-Pyrénées des :
Dimanche - Lundi 15 x 16 décembre 1901
Dimanche - Lundi 29 x 30 décembre 1901,
la Commune faisait part de l'adjudication des travaux à réaliser
Le 5 janvier 1902, le Sieur Castet-Barou Alexis entrepreneur à Montaut, fut déclaré adjudicataire offrant en effet un rabais de 3 %.
Le procès-verbal d'adjudication fut approuvé par le Préfet le 11 janvier 1902. En date du 22 juin 1902, le Conseil municipal, à l'unanimité, vote une somme de 150 F pour le nivellement du chemin d'accès et de 25 F pour le secrétaire de mairie « qui est chargé de surveiller le nivellement et de faire le tracé des allées et le métrage du mur de clôture ». Mais même pour effectuer cette dépense, le contrôle préfectoral demande de produire un état de la situation financière de la Commune.
Le 29 juillet 1902, c'est Charles Lacrampe cultivateur à Lestelle, qui s'engage à effectuer les travaux de terrassement. Le procès-verbal de réception provisoire des travaux de clôture du nouveau cimetière porte la date du 27 juillet 1902 ; et le 2 août 1902, le Maire reçoit la lettre ci-jointe [Voir document 5]
Enfin, le 27 septembre 1903, sur le registre des délibérations est consigné
« .... Monsieur le Président communique à l'Assemblée le procès-verbal de reconnaissance et de réception définitive des travaux exécutés pour la clôture du nouveau cimetière de Lestelle il communique également le décompte définitif de ces mêmes travaux, lequel s'élève à la somme de 7 467,33 F.... ».
Décompte qui sera approuvé par le Conseil municipal. L'amortissement de l'emprunt de 7000 F, contracté le 25 février 1902, devait s'effectuer en cinquante semestrialités égales de 219,26 F : la première porte la date du 25 août 1902, la cinquantième celle du 25 août 1927.
Qu'est devenu le vieux cimetière ?
On y faucha et vendit foin et regain : [Voir document 6] et ce jusqu'en 1920.
Puis on mit en vente le vieux portail et les pierres des murs [voir document 7] et le vieux cimetière devint une place publique....
« Le Conseil,
Considérant que le vieux cimetière n 'est plus utilisé depuis une trentaine d'années....
décide de vendre aux enchères publiques après approbation de la présente, le portail en fer, les pierres utilisables des murs et les pierres tombales non retirées par les familles intéressées,
décide aussi que le terrain de ce cimetière sera transformé en une place publique qui sera une prolongation de la place publique de Soum det Castes ».
Extrait de la délibération du 16/11/1924
J.B