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Le gibier de nos bois et de nos montagnes

Ce gibier n'a guère changé depuis des siècles car il a trouvé dans notre région l’habitat qui lui convient. Celui qui a le mieux décrit ces diverses espèces de gibier est Gaston Fébus, que l'un de ses biographes a appelé « un grand prince d'occident au XIVème siècle». Né à Orthez en 1331, il a régné sur un vaste domaine où il aimait « armas, amors et cassa » (les armes, les amours et la chasse). Il a indiqué lui-même le jour où il a commencé la rédaction de son Livre de Chasse: « et fut commencé ce présent livre le premier jour de may, l'an de grâce mil trois cents quatre vins et sept ». Quelques années seulement après sa mort, sa réputation de chasseur et la diffusion de son livre (qui ne se faisait alors que par des copistes) étaient répandues dans toute l'Europe.

Des livres sur la chasse, il en a existé plusieurs depuis fort longtemps. Sans remonter aux Cynégétiques de Xénophon (vers 400 avant notre ère), Gaston Fébus a pu connaître divers ouvrages sur la chasse de la fin du XIIIème siècle ou écrits quelques dizaines d'années avant son ouvrage mais certainement pas celui qu'un espagnol écrivit en même temps que lui... Toujours est-il que son Livre de la chasse resta valable jusqu'au début du XIXème siècle, tant la rigueur de ses descriptions des animaux et de leurs habitudes et aussi la façon de les chasser avec chiens, arcs et épieux ont servi aux chasseurs des siècles qui ont suivi.

Une traduction adaptation du Livre de la Chasse de Gaston Fébus a été éditée qui nous fait savourer la valeur de ce texte fort bien illustré mais aussi la qualité poétique de la littérature de ce grand écrivain de notre Béarn. En voici quelques extraits qui vous donneront envie de lire le reste du livre.

Du chevreuil et de toute sa nature

Gibier commun de nos forêts, poil fauve et cul blanc, le chevreuil se complait aux fourrés et futaies, passant ses nuits à quêter sa nourriture d'herbages et de fruits sauvages. A l'époque des amours, le mâle monogame lance son appel passionné dans la nuit d'octobre et choisit sa compagne de l'année qui ne l'abandonnera qu'au printemps pour le « faonnage » solitaire. Après la Toussaint, il perd ses bois; il les retrouvera au printemps, recouverts d'un velours dont il va se débarrasser en les aiguisant durant des heures au fût des jeunes arbres.

On le chasse toute l'année pour sa chair délicate et, devant les chiens courants, c’est la longue fuite d'une course feutrée, entrecoupée de bonds, d'abord raisonnée, pleine de ruses et d'esquives dans le territoire qui est le sien puis, devant les lévriers au loin, éperdue le long des sentes, dans le cours des ruisseaux et même par les villages lorsque le désespoir couvre son instinct.

Du sanglier et de toute sa nature

Vautré dans sa bauge, le sanglier difforme, hirsute, fouille la fange de son groin pour en aiguiser les longues canines inférieures, ses défenses dont pâtiront les ennemis de demain. Non loin de lui, une dizaine de marcassins conduits par la laie, s'ébattent à la recherche de leurs premières racines de fougère, de leurs premiers glands: vie familiale ponctuée de grognements, à l'abri des regards indiscrets, au plus profond de la forêt. Avec la nuit vient l'heure du vagabondage; le sanglier quitte les siens pour aller promener son groin fouineur sur toutes les odeurs de 1'humus forestier, labourant même les cultures des champs pour en dérober légumes et graines. Sa fringale est telle qu'il en oublie l'aube et les chasseurs lancés sur sa voie.

Et c'est la fuite longue, puissante, sans ruses, faite de soudaines volte-face, de coups de boutoir mortels à l'adresse des chiens hurlants. Leurs crocs, du reste, n'ont guère de prise sur son cuir et seuls les épieux et les flèches auront raison finalement de sa vigueur.

Du renard et de toute sa nature

Le grand chapardeur de campagnes, le renard, passe les journées pluvieuses au fond de sa tanière à dormir, à épouiller sa fourrure fauve et, les journées ensoleillées, aux abords de ses trous, en compagnie de sa famille. A la moindre alerte, la renarde pousse un cri rauque de ralliement aux rejetons qui s'ébattent aux alentours et tout ce monde disparaît en un instant. De nuit maître goupil visite d'abord son domaine en quête de nourriture, n'épargnant ni les levrauts, ni les mulots, ni les lapins dans leur garenne qu'il creuse des pattes et du museau. Puis, la faim aidant, il s'approche des villages, reste tapi des heures au creux d'un fossé et c'est l'attaque sournoise des poulaillers et des clapiers où le carnage se poursuit jusqu'à l'aube.

Malheureusement pour lui, la forte odeur que laisse son passage attire la fougue des chiens qui ne le lâchent guère jusqu'à sa forteresse souterraine où le siège va s'organiser à coups de pelles et de pioches, les paysans ne lui pardonnant guère les crimes de la nuit.

Du lapin et de toute sa nature

Bien que confiné à longueur de journée dans son terrier, le lapin prolifique est d'humeur musarde et vagabonde. Au crépuscule il se met à la quête de ses herbes préférées en compagnie de ses congénères ou s'échauffe à la poursuite de dame lapine après avoir frappé le sol d'un vigoureux coup de patte en signe de détermination.

Surpris hors de sa garenne, le lapin se chasse à l'épagneul et, dans son terrier, au furet, cet intrus vorace dont il ne saurait supporter l'odeur. Il file alors comme un éclair et se retrouve presque aussitôt dans le filet du chasseur qui savoure déjà sa gibelotte parfumée.

Du blaireau et de toute sa nature

Le blaireau solitaire a choisi la fissure dans la roche friable et y a creusé son trou aux multiples couloirs où il va dormir tout le jour dans le confort de sa graisse. Méfiant à l'excès, se sachant court sur pattes, il n'est pas le rôdeur des longues randonnées. Ses nuits se passent à fouiner le sol des alentours à la recherche de toute vermine, de mulots, de campagnols, et, à la bonne saison, de fruits tombés, friand qu'il est de cerises et de pommes.

Surpris hors de son trou, le blaireau est une proie facile pour les chiens attirés par l'odeur fétide qu'il dégage, Ses crocs. et ses griffes ne le mettent guère à l'abri des coups de gueule et, souvent, un épieu bien placé mettra fin à son existence de rondouillard impénitent.

De l'ours et de toute sa nature

Hôte de la montagne à la belle saison et des vallées en hiver, l'ours omnivore ne quitte sa caverne que pour vagabonder à la recherche d'une nourriture des plus variées qui le conduit d'une simple pâture à un arbre fruitier, d'une colonie d'abeilles à une fourmilière. Ce n'est que pressé par la faim due au long jeûne hivernal qu'il lui arrive de s'attaquer, lui le peureux, à un être vivant. Confiant en la force de ses crocs et de ses larges pattes, en l'épaisseur de sa fourrure, en son odorat qu'il a très fin, il ne craint guère la mauvaise rencontre et, très à l'aise dans sa solitude, il prend le temps de s'ébattre longuement dans une souille ou dans le lit providentiel d'un torrent.

Certes, il fuit l'homme et s'il se retourne contre lui, c'est qu'il est blessé. Aussi les chasseurs armés d'arcs et d'épieux se mettent-ils à plusieurs pour suivre sa piste sur laquelle s'égosillent dogues et lévriers. Et, finalement, si la puissance de l'animal a défié les armes des chasseurs et les crocs des chiens, ce sera la fosse traîtresse au fond de laquelle il attendra la mort.

Pour copie conforme
Pierre Leborgne.

Sources :
Pierre Tucoo-Chala. Gaston Fébus. Un grand prince d'Occident au XIV- siècle. Ed. Marrimpouey. 1976.
Le Livre de la Chasse de Gaston Phoebus, Comte de Foix. Seghers. 1978.

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